La prévention en 2 mots :
⚠️ Risques
– Dénutrition
- x2 à x6 risque de morbidité
- ↑ mortalité
– Pneumopathie d’inhalation
2e infection nosocomiale en fréquence
– Déshydratation
- infections urinaires
- confusion
– Asphyxie par fausse route
4e cause de mortalité accidentelle en France
🔑 Facteurs
– Troubles cognitifs
- démence
- Parkinson
– Fatigue
– Posture inadéquate
– Vigilance diminuée
– Dentition/prothèses défaillantes
– Sarcopénie
– Surveillance insuffisante pendant les repas
🚫 À éviter
– Textures systématiquement mixées ou trop modifiées
– Alimentation donnée trop vite
– Prise alimentaire pour une personne fatiguée
– Négligence de l’hygiène bucco-dentaire
Prévention
– Adapter la texture (IDDSI 6)
- morceaux tendres
- 1,5 cm max
– Maintenir une bonne posture (assis, dos droit, pieds au sol)
– Stimuler la mastication
– Préserver le plaisir alimentaire
– Soutenir l’autonomie et le partage du repas
– Dépistage précoce avec le MEOF-II
– Coordination pluridisciplinaire
LE CONTEXTE

Le concept de fragilité est central en gériatrie pour cerner la santé des personnes âgées.
Sur le plan fonctionnel, la fragilité se définit comme un état de déséquilibre et d’instabilité avec un risque d’incapacité fonctionnelle ou de majoration de celle-ci. L’adaptation du sujet aux différents événements stressants de la vie (psychologiques, accidentels ou maladies) étant plus difficile, il est alors plus à risque de perte d’autonomie, justifiant très souvent une aide dans les activités de la vie quotidienne.
Sur le plan physiologique, la fragilité se définit comme une diminution des réserves physiologiques naturelles nécessaires pour faire face à un stress, ou s’adapter à une modification de l’environnement. Quatre dimensions sont principalement impliquées dans la fragilité : la réduction des réserves nutritionnelles, la réduction de la capacité respiratoire, la réduction de la force musculaire, la réduction des capacités cognitives, psychomotrices et des habiletés sociales.
LA DYSPHAGIE

La déglutition est à la fois un système actif de transport des solides et des liquides vers l’estomac, et aussi un mécanisme de protection des voies aériennes pour éviter les fausses routes.
Le système de la déglutition s’appuie sur une succession de mouvements musculaires coordonnés par une programmation neurologique complexe, à la fois volontaire, automatique et réflexe, impliquant le système nerveux central et périphérique.
Un épisode unique et isolé de fausse route, souvent provoqué par la précipitation et/ou la nervosité, déclenchant une toux immédiate et efficace ne suffit pas pour affirmer qu’il y a trouble de la déglutition. C’est lorsque la pénétration de liquide, de solide ou de salive dans les voies respiratoires est majeure ou trop fréquente, lorsque les fausses routes aux aliments ou à la salive se répètent, lorsque le sujet s’étrangle en avalant de façon chronique que l’on parle de trouble de la déglutition ou dysphagie haute.
Les troubles de la déglutition sont fréquents chez les personnes âgées. On considère approximativement que 15% de la population âgée est dysphagique, au point d’envisager la dysphagie comme un syndrome gériatrique, fortement associé à la fragilité.
LES FACTEURS DE DECOMPENSATION
Le vieillissement normal réduit donc le tonus musculaire, la sensibilité, le goût, l’odorat et retarde le déclenchement du geste de déglutition. Toutefois le sujet âgé s’adapte à ses difficultés. C’est seulement lorsque ces difficultés s’acculent et se combinent à un facteur précipitant que l’adaptation n’est plus possible et que les personnes âgées sont alors précipitées dans la pathologie : pneumopathies d’inhalation, asphyxie, dénutrition et déshydratation.
Ces facteurs précipitants ne sont pas alimentaires :

- liés à la personne : la présence de démence, de maladie de Parkinson ou de troubles cognitifs peut favoriser les difficultés de déglutition, notamment lorsque la personne mange trop rapidement, mâche insuffisamment, surcharge sa bouche ou oublie d’avaler. S’y ajoutent des facteurs mécaniques comme une dentition défaillante ou des prothèses mal adaptées, ainsi que la sarcopénie entraînant une faiblesse de préhension. Enfin, une vigilance diminuée et une posture inadéquate pendant le repas majorent le risque : s’assoupir avec un aliment en bouche reste dangereux, quelle qu’en soit la texture.
- liés à l’environnement : une surveillance inadéquate des personnes à risque est un facteur clé. Il est aussi crucial de ne pas nourrir une personne trop fatiguée pour avaler.
LES CONSEQUENCES
La réduction de l’autonomie motrice ou cognitive des patients peut donc être à elle seule responsable de troubles de la déglutition et des conséquences qui en découlent :
- La dénutrition qui est le principal facteur de mauvais pronostic des sujets âgés, tant en terme de morbidité (infections, chutes, escarres, troubles de cicatrisation, hospitalisation, altération de l’état général, troubles cognitifs, etc.) que de mortalité. Elle multiplie par 2 à 6 le risque de morbidité (toutes morbidités confondues), voire plus en ce qui concerne le risque de morbidité infectieuse. Le risque de mortalité au cours d’une décompensation pathologique est 4 fois plus grand.
- La pneumopathie d’inhalation qui est un problème majeur chez les personnes âgées, conduisant à un nombre d’hospitalisations accru, à des soins coûteux, et à une mortalité augmentée. Il représente de 13% à 48% de toutes les infections en maison de retraite et est le deuxième type le plus commun d’infections nosocomiales chez les patients hospitalisés, après les infections urinaires.
- La deshydratation qui entraine des infections urinaires et une désorientation chez les personnes âgées souffrant de dysphagie oro-pharyngée. Ces personnes à qui on impose de l’eau épaissie ont des apports hydriques équivalent à 22% des apports journaliers recommandés.
- L’asphyxie par fausse route qui est un accident soudain et potentiellement fatal où les aliments pénètrent dans les voies respiratoires. Plus de 4000 décès sont rapportés annuellement en France dans les suites d’une asphyxie sur fausse-route, faisant de cette cause la quatrième cause de mortalité accidentelle. Les personnes âgées avec des pathologies neurologiques sont les plus à risque.
LA PREVENTION
La prévention des complications des troubles de la déglutition est donc un enjeu de soin majeur chez la personne âgée. Il convient donc d’organiser efficacement cette prévention dans les établissements recevant des personnes âgées.
Contrairement à une croyance largment répandue, celle-ci ne passe pas par une simplification systématique des textures alimentaires, motivée par une volonté de sécurité au moment de l’alimentation. En effet, la peur de l’asphyxie par fausse route, mais aussi en raison de difficultés de mastication, prédomine chez les personnes âgées, les soignants, les aidants et l’entourage familial. Mais, les transformations alimentaires excessives ne sont pas un moyen de prévention efficace des fausses routes asphyxiantes : une part significative des décès par fausse route chez les plus de 65 ans survient avec des textures hachées ou mixées. D’autre part, les résidents ayant une alimentation modifiée n’ingèrent pas suffisamment de protéines et d’énergie, ce qui conduit 54% d’entre eux à consommer des compléments alimentaires pour lutter contre la dénutrition, contre 24% pour ceux qui n’ont pas de transformation de leur alimentation.
Il n’existe donc pas de « texture anti fausse route », mais une texture raisonnée et raisonnable est nécessaire pour ne pas les provoquer : la texture IDDSI niveau 6, qui sont des petits morceaux faciles à mâcher (max 1,5 cm), glissants et cohésifs, pouvant être proposée aux personnes ayant une mastication possible mais réduite.

Mais la prévention de la dysphagie ne se limite pas aux textures alimentaires. Elle doit combiner des leviers positifs qui, utilisés à bon escient, préservent les personnes âgées fragiles des pathologies associées, ou en retardent l’apparition :
le maintien d’une bonne hygiène bucco-dentaire quotidienne.
l’adaptation de la posture (assis, dos droit, pieds au sol, tête alignée) étayée par des ustensiles adaptés.
la stimulation de la mastication par des aliments adaptés (texture IDDSI n°6 : morceaux tendres, petites tailles).
la valorisation du plaisir alimentaire en évitant les textures systématiquement mixées, qui appauvrissent l’alimentation et le plaisir gustatif et en privilégiant les préférences des personnes.
le soutien de l’autonomie et le partage du repas.
le suivi de la sarcopénie et de la nutrition.
C’est donc une coordination pluridisciplinaire qui doit primer dans la prévention contre les complications des troubles de la déglutition. Cela commence par un dépistage holistique et précoce des difficultés à manger, avec un outil comme le MEOF II, évaluant posture, mastication/déglutition, et performance/appétit.
Une organisation collective structurée est ensuite indispensable pour une mise en place efficace des différents facteurs préservants.

Le plaisir de manger, encadré dans un tel plan de prévention en EHPAD augmente la satisfaction de manger des résidents de 12 % sur un an, sans majoration des complications pulmonaires ou asphyxiantes. Dans ces conditions, 20% seulement de personnes sont dénutries, alors qu’elles sont 46% en l’absence de ce plan. Le nombre de repas servis mixés ou hachés est réduit de de 78% et les compléments nutritionnels de 50%.
En résumé, la prévention repose sur deux piliers :
- Corriger les facteurs aggravants (hygiène, posture, textures inadéquates, dépendance).
- Renforcer les leviers positifs (stimulation sensorielle, mastication, autonomie, plaisir).